J.O. 185 du 11 août 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs


NOR : CSCL0710799X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, adoptée le 26 juillet 2007.

Les recours mettent en cause les articles 1er, 2, 5, 10 et 11 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - Sur les articles 1er et 2


A. - Les articles 1er et 2 de la loi déférée créent dans le code pénal deux articles 132-18-1 et 132-19-1 qui prévoient, le premier pour les crimes et le second pour les délits, que ne peut être prononcée une peine privative de liberté inférieure à des seuils correspondant à des fractions déterminées des peines encourues dès lors que leurs auteurs commettent les infractions en cause en état de récidive légale.

S'agissant des crimes, le nouvel article 132-18-1 dispose toutefois, d'une part, que la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci et, d'autre part, que lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, le prononcé d'une peine inférieure à ces seuils est subordonné à la présentation de garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion.

S'agissant des délits, le nouvel article 132-19-1 prévoit que la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure aux seuils qu'il détermine ou une peine autre que l'emprisonnement dans les mêmes hypothèses que celles fixées pour les crimes. Le même article précise que la juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement en cas de nouvelle récidive pour quatre catégories de délits. Si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils fixés.

Les députés et sénateurs requérants font valoir qu'en réduisant le pouvoir d'appréciation de la juridiction en cas de nouvelle récidive légale, le législateur aurait méconnu le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Ils soutiennent, par ailleurs, que les dispositions des articles 1er et 2 seraient contraires au principe de nécessité des peines contenu dans le même article 8 parce que les sanctions qu'elles prévoient seraient manifestement disproportionnées. Les parlementaires saisissants font également grief aux dispositions critiquées de porter atteinte au droit à une procédure juste et équitable et aux articles 64 et 66 de la Constitution en encadrant excessivement les pouvoirs de la juridiction. Ils reprochent enfin au législateur d'avoir méconnu l'étendue de sa compétence ainsi que le principe de légalité des délits et des peines en s'abstenant de préciser la notion de « garanties exceptionnelles ».

B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter l'ensemble de ces critiques.

1. Les dispositions des articles 1er et 2 de la loi déférée qui laissent, dans tous les cas qu'ils visent, en particulier lorsque le crime ou le délit est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, à la juridiction la faculté d'adapter la peine prononcée si certaines conditions sont réunies, ne portent pas atteinte au principe d'individualisation des peines.

a) Lorsque le crime ou le délit est commis en état de récidive légale, si les dispositions des nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal posent le principe selon lequel la peine prononcée ne peut être inférieure à des seuils déterminés, elles maintiennent néanmoins à la juridiction un large pouvoir d'appréciation dans le prononcé de la peine.

Il ressort en effet des termes mêmes des articles 1er et 2 de la loi déférée que dans un cas de récidive légale, pour les crimes comme pour les délits, la juridiction peut prononcer une peine inférieure aux seuils pour trois types de motifs : en considération de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

La peine prononcée fera ainsi, dans tous les cas, l'objet d'une appréciation de la part du juge qui pourra, par ailleurs, toujours recourir aux modes de personnalisation des peines prévus au chapitre II du titre II du livre premier du code pénal (cf. art. 132-29 à 132-47 : sursis simple, sursis avec mise à l'épreuve ou sursis assorti de l'obligation d'un travail d'intérêt général).

S'agissant des délits, la loi précise que la juridiction prononce une peine inférieure aux seuils par une décision spécialement motivée. Une telle exigence procédurale ne remet toutefois pas en cause le pouvoir d'appréciation de la juridiction. On peut relever que des exigences analogues ont déjà été instituées dans d'autres cas où le juge prend une décision dans un sens favorable au prévenu (cf. par exemple le deuxième alinéa de l'article 465-1 du code pénal, prévoyant une motivation spéciale pour écarter le mandat de dépôt de plein droit du condamné récidiviste, ou encore l'article 222-48-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui impose une décision spécialement motivée pour décider qu'il n'y a pas lieu de prononcer la mesure de suivi socio-judiciaire dans les hypothèses où elle est, en principe, obligatoire). En outre, toujours pour les délits, en cas de récidive, si le juge peut prononcer, sous réserve que les conditions rappelées plus haut sont réunies, une peine inférieure aux seuils, il dispose également de la faculté de prononcer une peine autre que l'emprisonnement, parmi celles que l'article 131-3 du code pénal prévoit en matière correctionnelle (amende, travail d'intérêt général...).

La loi déférée ne méconnaît ainsi aucunement les exigences attachées au principe d'individualisation des peines lorsqu'elle vise les crimes ou délits commis en état de récidive légale.

b) Lorsque certaines infractions sont commises une nouvelle fois en état de récidive légale, si les dispositions des articles 1er et 2 de la loi critiquée subordonnent le prononcé d'une peine inférieure aux seuils à des conditions plus strictes, qui répondent au souci d'assurer une répression effective d'infractions d'une particulière gravité et de prévenir leur réitération, elles préservent néanmoins une marge d'appréciation suffisante pour la juridiction.

Lorsqu'un crime ou certains délits d'une particulière gravité (violences volontaires, délit commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle, et délit puni de dix ans d'emprisonnement) sont commis une nouvelle fois en état de récidive légale, les nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal prévoient que la juridiction peut prononcer une peine inférieure aux seuils qu'ils fixent - par une décision spécialement motivée s'il s'agit d'un délit - si l'accusé ou le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. L'article 132-19-1 ajoute que, en cas de nouvelle récidive de ces catégories de délits, la juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement.

Il est vrai que, par ces dispositions, le législateur a entendu soumettre le prononcé d'une peine inférieure aux seuils qu'il a fixés à des conditions plus strictes lorsque l'auteur de l'infraction est en état de nouvelle récidive par rapport à l'état de récidive.

Mais on doit relever que ce régime plus rigoureux s'applique ainsi aux accusés et aux prévenus qui ont déjà été condamnés à deux reprises et qui commettent pour la troisième fois au moins un crime ou un délit grave. Il est loisible au législateur, pour dissuader ce type de comportement et assurer la répression effective des infractions d'une particulière gravité, d'encadrer, en pareil cas, plus étroitement la marge d'appréciation laissée au juge. C'est pourquoi le juge ne peut prononcer une peine inférieure à la peine minimale que si l'auteur de l'infraction présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. Le législateur s'est borné, ce faisant, à graduer les conditions auxquelles est soumis le prononcé d'une peine inférieure aux seuils, selon que le condamné est en état de récidive légale ou de nouvelle récidive légale, l'exigence de garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion étant justifiée dans ce dernier cas.

Sans doute les nouvelles dispositions de l'article 132-19-1 du code pénal diminuent, par ailleurs, l'étendue des peines à la disposition de la juridiction en prévoyant qu'une peine autre que l'emprisonnement ne peut être prononcée en cas de nouvelle récidive pour quatre catégories particulières de délits (violences volontaires, délit commis avec la circonstance aggravante de violence, agression ou atteinte sexuelle, délit puni de dix ans d'emprisonnement).

On doit cependant souligner que cette réduction du champ des peines que peut prononcer le juge correspond à la nécessité de réprimer efficacement les infractions énumérées par le législateur qui sont d'une particulière gravité. La loi déférée limite l'ampleur de l'échelle des peines dont dispose la juridiction eu égard à la nature des faits en cause dont la gravité, s'agissant de personnes qui sont condamnées pour la troisième fois, requiert une plus grande sévérité.

Au demeurant, il entre dans les pouvoirs reconnus par la Constitution au législateur de déterminer les peines attachées aux infractions qu'il définit. La création de peines alternatives à l'emprisonnement comme la limitation de ces peines alternatives participent de ces pouvoirs et on ne saurait inférer du principe d'individualisation des peines que le législateur serait tenu de maintenir ouvert à la juridiction, pour toutes les infractions et dans toutes les circonstances, l'entier éventail des peines instituées.

On doit surtout insister, en dernier lieu, sur le fait qu'en toute hypothèse la juridiction dispose de la faculté d'adapter la peine.

D'une part, en effet, si, ainsi qu'il a été dit, les conditions du prononcé d'une peine inférieure aux seuils sont plus étroitement définies en cas de nouvelle récidive légale, le juge conserve néanmoins constamment une marge d'appréciation pour reconnaître qu'un accusé ou un prévenu présente les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion exigées par le législateur. La condition ainsi posée par le législateur est plus restrictive qu'en cas de récidive légale, pour tenir compte de l'état de nouvelle récidive légale, mais la marge d'appréciation de la juridiction est préservée.

D'autre part, l'individualisation de la peine comprend différents éléments : il s'agit en particulier du choix de la nature de la peine, de son quantum et de ses modalités d'exécution. Or, s'agissant en particulier des cas dans lesquels le juge ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement, sa marge d'appréciation est conservée s'agissant de son quantum et de ses modalités d'exécution. En ce qui concerne le quantum, dès lors qu'il aura été fait état de garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, le juge dispose d'une entière liberté dans sa détermination. Quant aux modalités d'exécution, les différentes modalités de sursis seront ici également applicables dans les conditions précédemment rappelées. On doit ainsi souligner que la peine privative de liberté ne sera nécessairement ferme, en tout ou partie, que dans les cas où, eu égard au passé pénal du condamné, le prononcé d'un sursis sera exclu par les dispositions des articles 132-29 à 132-47 du code pénal. La juridiction conservera néanmoins la possibilité de déterminer librement la durée de la partie ferme de la peine dès lors qu'elle décidera d'assortir partiellement la peine d'emprisonnement d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis avec travail d'intérêt général. En outre, dans les cas où la partie ferme sera inférieure à un an, elle pourra faire l'objet des aménagements de peine prévus par le code pénal et le code de procédure pénale.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les dispositions critiquées par les parlementaires saisissants laissent, dans tous les cas, une marge d'appréciation suffisante à la juridiction, de sorte qu'elles ne portent pas atteinte au principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

2. Les articles 1er et 2 de la loi déférée, qui fixent deux échelles de seuils pour les crimes et pour les délits selon une gradation mesurée à la gravité des infractions visées, ne sont pas contraires au principe de nécessité des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

On doit observer à titre liminaire qu'en l'absence de disproportion manifeste entre les infractions et les sanctions concernées, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur (cf. par exemple no 92-316 DC du 20 janvier 1993 ; no 2003-467 DC du 13 mars 2003). Il se déduit des dispositions de l'article 61 de la Constitution et de cette jurisprudence que le Conseil constitutionnel ne saurait exercer le contrôle général de l'appréciation portée par le Parlement sur les moyens qu'il retient pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixé auquel l'invitent des députés et sénateurs saisissants.

On doit souligner, ensuite, que le nouvel article 132-18-1 du code pénal prévoit que, s'agissant des crimes, les seuils fixés par le législateur varient entre cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention, et quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité. S'agissant des délits, le nouvel article 132-19-1 fixe la progression entre un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement, et quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement. Pour les crimes comme pour les délits, le législateur a prévu quatre degrés.

Les dispositions critiquées organisent ainsi une gradation claire et cohérente qui est fonction du quantum de la peine privative de liberté attachée à l'infraction et, par suite, de la gravité qu'elle revêt pour le législateur. Les fractions fixées par le législateur pour déterminer les seuils sont toutes inférieures à la moitié de la peine et, a fortiori, de la peine encourue en raison de l'état de récidive légale. Cet état conduit en effet à l'aggravation mécanique de la peine : ainsi pour les crimes réprimés par 15 ans de réclusion et pour les délits, la peine privative de liberté est doublée, et pour les crimes punis de 20 ou 30 ans de réclusion, la perpétuité est alors encourue (cf. art. 132-8, 132-9 et 132-10 du code pénal). S'agissant du délit de vol avec violence et en réunion, le seuil est fixé à trois ans, alors que la peine encourue par le récidiviste est de quatorze ans d'emprisonnement. Pour le délit de vol simple, le seuil est d'un an, alors que la peine d'emprisonnement susceptible d'être appliquée à son auteur dès lors qu'il est en état de récidive légale est de six ans.

Les peines minimales instituées par les articles 1er et 2 de la loi déférée ne peuvent, par suite, être regardées comme manifestement disproportionnées.

3. Eu égard aux considérations qui précèdent qui établissent que les articles 1er et 2 de la loi critiquée n'encadrent pas de manière trop rigoureuse la marge d'appréciation dont dispose la juridiction dans le prononcé de la peine, la loi déférée ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles relatives à l'existence d'une procédure juste et équitable, garantissant les droits des parties, ni les dispositions des articles 64 et 66 de la Constitution, contrairement à ce que soutiennent les parlementaires auteurs des recours.

4. Les griefs d'incompétence négative et de méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines adressés au législateur ne peuvent qu'être écartés dès lors que les termes « garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion » sont suffisamment clairs et précis.

En premier lieu, on doit observer que différentes dispositions du code pénal font déjà référence aux notions d'insertion et de réinsertion. Ainsi, par exemple, le second alinéa de l'article 132-24 du code pénal relatif aux modes de personnalisation des peines indique que la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions. Cette rédaction, issue de la loi du 12 décembre 2005, rappelle au demeurant les énonciations de la décision no 93-334 DC du 20 janvier 1994 selon laquelle l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion. On trouve, par ailleurs, dans le code de procédure pénale des expressions qui ne sont pas éloignées de celle à laquelle le législateur a eu recours dans la loi déférée. Ainsi l'octroi de réduction de peines, de la réduction de la période de sûreté ou de la libération conditionnelle dépend des « gages » ou des « efforts » « sérieux de réadaptation sociale » de l'intéressé (cf. art. 720-4, 721-1 et 729 du code de procédure pénale).

En deuxième lieu, le grief d'imprécision est infondé dès lors que le législateur a, contrairement à ce que soutiennent les auteurs des recours, défini de manière précise les conditions dans lesquelles le juge pourra prononcer une peine inférieure aux seuils qu'il a fixés en exigeant des « garanties exceptionnelles ». On doit rappeler que ce type de garanties est nécessaire, dans le dispositif institué par le législateur, lorsque le condamné a commis une troisième infraction d'une particulière gravité après deux condamnations et que l'état de récidive a été relevé lors de la deuxième.

Cela ne signifie pas que le législateur a institué un mécanisme auquel la juridiction ne devrait avoir recours qu'à titre exceptionnel, ni requis des garanties qui auraient, par elles-mêmes, un caractère exceptionnel. Le législateur a entendu, en cas de nouvelle récidive, exiger de l'intéressé, qui est ancré dans une délinquance grave, qu'il présente des garanties qualifiables d'exceptionnelles en ce qu'elles sont de nature à établir sa capacité à rompre avec son passé judiciaire.

Ce caractère exceptionnel se déduit du rapprochement, d'un côté, de la nature, des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur et, de l'autre, de la crédibilité et du sérieux des garanties d'insertion et de réinsertion offertes par l'intéressé. Les garanties sortent de l'ordinaire, et présentent ainsi une nature exceptionnelle, lorsqu'il est établi que, par leur fiabilité, leur sécurité et leur objectivité, elles sont susceptibles de justifier que le juge prononce une peine inférieure aux seuils fixés par le législateur s'agissant pourtant de personnes pour lesquelles la loi pénale exige un degré de sévérité proportionné à la gravité de leur parcours de délinquance.

Ainsi, par exemple, s'agissant d'une personne qui, condamnée deux fois pour crimes dans un passé lointain, s'est pleinement réinsérée mais, beaucoup plus tard, est mêlée à une rixe et condamnée pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avoir un emploi, une famille, ne plus avoir jamais eu affaire à la justice entre-temps seront des circonstances de nature à être regardées comme des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, en dépit de l'état de nouvelle récidive, justifiant de prononcer une peine inférieure aux seuils fixés par la loi pénale. Dans une tout autre hypothèse, un mineur qui suit assidûment un apprentissage et qui démontre une réelle volonté d'insertion pourra être regardé comme présentant des garanties exceptionnelles au sens des dispositions critiquées. De même, un mineur parrainé dans le cadre de l'opération de « parrainage » lancée en 2005 par le ministère de la justice, et dont le parrain viendrait témoigner de ses efforts sérieux d'insertion, pourrait être reconnu comme offrant de telles garanties.

Les moyens soulevés par les auteurs des saisines ne peuvent, eu égard aux considérations qui précèdent, qu'être écartés.


II. - Sur l'article 5


A. - L'article 5 de la loi déférée complète le premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui pose le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs, dont la conséquence essentielle, qualifiée couramment d'« excuse de minorité », est de diminuer de moitié la peine privative de liberté encourue, en énonçant que cette réduction s'applique également aux peines minimales fixées par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal. Ce même article prévoit par ailleurs trois hypothèses dans lesquelles la juridiction compétente peut décider qu'il n'y a pas lieu de faire bénéficier le mineur âgé de plus de seize ans de l'atténuation de la peine. Lorsqu'elle est prise par le tribunal pour enfants, une telle décision doit être spécialement motivée, sauf pour les infractions les plus graves. L'atténuation de la peine ne joue toutefois pas lorsque des infractions d'une particulière gravité et strictement définies ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois, la cour d'assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée.

Les députés et sénateurs saisissants font valoir, d'une part, que, dès lors que les dispositions relatives aux peines minimales de privation de liberté sont applicables aux mineurs, les griefs soulevés à l'encontre des articles 1er et 2 de la loi déférée seraient, a fortiori, fondés à l'encontre de son article 5. Ils soutiennent, d'autre part, que les dispositions de l'article 5 seraient contraires aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

B. - Ces moyens ne peuvent être accueillis.

1. Les nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal issus de la loi déférée s'appliquent aux mineurs sous réserve, d'une part, des conditions fixées par l'ordonnance du 2 février 1945 qui détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet et, d'autre part, d'une réduction de moitié des seuils qu'ils fixent en vertu de l'article 5 de la loi déférée, de sorte que l'application aux mineurs de ces nouvelles dispositions n'est contraire à aucune exigence constitutionnelle.

En premier lieu, dès lors que la loi déférée ne modifie pas l'ordonnance de 1945, ses dispositions qui instituent des peines minimales privatives de liberté doivent être interprétées, en tant qu'elles s'appliquent aux mineurs, à la lumière des dispositions de cette ordonnance, et en particulier de ses articles 2 et 20. Il en résulte que les dispositions des articles 132-18-1 et 132-19-1 issues des articles 1er et 2 de la loi déférée ne trouveront à s'appliquer que dans la mesure où la juridiction compétente aura décidé de prononcer une condamnation pénale plutôt qu'une mesure de protection, d'assistance, de surveillance ou d'éducation, et sous réserve que les conditions fixées par les articles 2 et 20 de l'ordonnance de 1945 sont remplies.

En second lieu, il ressort des termes de l'article 5 de la loi que, en pareil cas, les peines minimales privatives de liberté prévues par ces dernières dispositions sont réduites de moitié pour les mineurs de plus de treize ans. Ce faisant, le législateur a respecté le principe d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge.

Dans ces conditions, les critiques développées par les auteurs des saisines à l'encontre des dispositions de la loi déférée applicables aux mineurs, en tant qu'elles reprennent des moyens précédemment examinés et qu'elles se fondent sur les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines apparaissent vaines.

2. Les dispositions de l'article 5 de la loi déférée selon lesquelles l'atténuation de la peine ne s'applique pas, dans certaines hypothèses, aux mineurs de plus de seize ans, sauf si la juridiction compétente en décide autrement, ne méconnaissent pas davantage les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs.

On doit souligner, à titre liminaire, que le 2° du I de l'article 5 se borne d'abord à étendre la possibilité, précédemment élargie par l'article 60 de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, offerte à la juridiction compétente d'écarter, pour les mineurs de plus de seize ans, l'excuse de minorité prévue au premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance de 1945.

Les deux premiers cas énoncés, le premier lié aux circonstances de l'espèce et à la personnalité du mineur (1° de l'article 20-2), le second visant l'hypothèse d'un crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne commis en état de récidive légale (2° de l'article 20-2), demeurent inchangés.

La loi déférée ajoute que la faculté offerte au juge d'écarter l'excuse de minorité sans motivation est désormais ouverte non seulement dans le cas d'un délit de violences volontaires, un délit d'agression sexuelle (délits relevant des « atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique » figurant dans la loi du 5 mars 2007), mais aussi d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences commis en état de récidive légale (3° de l'article 20-2). Ce faisant, et en maintenant la dispense pour le tribunal pour enfants de motiver sa décision d'exclure l'atténuation de responsabilité pénale pour les mineurs de plus de seize ans qui se trouvent en état de récidive légale pour des infractions d'une particulière gravité, le législateur n'a pas méconnu les principes constitutionnels applicables aux mineurs, l'exclusion de l'atténuation de responsabilité étant justifiée par le constat, par la juridiction, de la nature des faits et de l'état de récidive légale (cf. décision no 2007-553 DC du 3 mars 2007).

L'article 5 prévoit, par ailleurs, que l'atténuation de la peine prévue au premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance, tel que modifié par la loi déférée, ne s'applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque les infractions les plus graves, c'est-à-dire celles mentionnées aux nouveaux 2° et 3° de l'article 20-2, ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale. Il est toutefois précisé que la cour d'assises peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée.

Contrairement à ce que soutiennent les parlementaires auteurs des recours, ces dernières dispositions ne méconnaissent pas les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs.

On doit rappeler, en premier lieu, que, lorsqu'il fixe les règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit veiller à concilier les exigences constitutionnelles qui découlent du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle (cf. décisions no 2002-461 DC du 29 août 2002 et no 2007-553 DC du 3 mars 2007). Le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs n'est ainsi pas une règle absolue et uniforme applicable dans tous les cas et quels que soient le contexte ou les circonstances.

Dans ces conditions, et en deuxième lieu, on ne saurait déduire des principes constitutionnels propres à la justice des mineurs qu'ils font obstacle à ce que le législateur prévoie, dans des hypothèses rigoureusement définies, pour des faits d'une particulière gravité et dans le cas d'un état de nouvelle récidive légale, que l'atténuation de la peine ne s'applique pas sauf décision contraire de la juridiction compétente. Les exceptions à l'application de l'atténuation de la peine peuvent être justifiées par des espèces spécifiques prévues par le législateur dès lors que, comme au cas particulier, les infractions atteignent un degré particulier de gravité - crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, délit de violences volontaires, délit d'agression sexuelle, délit commis avec la circonstance aggravante de violences - et que le mineur de plus de seize ans se trouve une nouvelle fois en état de récidive légale, c'est-à-dire qu'il est condamné une troisième fois.

On doit ainsi souligner, en troisième lieu, que le législateur n'a nullement remis en cause le droit des mineurs au bénéfice du principe de l'atténuation de la peine. Aucune exception légale au principe n'est prévue pour les mineurs de plus de seize ans qui ne sont pas au nombre des auteurs d'infractions d'une particulière gravité et en état de nouvelle récidive. Dans ce cas, seule une décision de la juridiction pourra écarter l'excuse de minorité. Le législateur s'est seulement borné à encadrer les conditions d'application du principe d'atténuation de la peine en prévoyant, pour les seuls mineurs de plus de seize ans auteurs de faits d'une particulière gravité et en état de nouvelle récidive, qu'il ne joue que si la juridiction compétente le décide. L'appréciation de celle-ci est préservée puisqu'elle pourra décider, en toute hypothèse, de rétablir l'atténuation. La décision sera spécialement motivée lorsqu'elle sera prise par un tribunal pour enfants. Si une décision en ce sens est prise par une cour d'assises, elle résultera de la réponse à la question spécifique relative à l'applicabilité de l'atténuation de responsabilité, le II de l'article 5 de la loi déférée modifiant sur ce point l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945.

Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, les griefs dirigés contre l'article 5 de la loi déférée doivent, par suite, être écartés.


III. - Sur les articles 10 et 11


A. - L'article 10 de la loi déférée, qui modifie le premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale, prévoit que sauf décision contraire du juge de l'application des peines, aucune réduction supplémentaire de la peine ne peut être accordée à une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, qui refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines en application des articles 717-1 et 763-7. Le I de l'article 11 complète l'article 729 du même code et dispose que lorsque la personne a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, une libération conditionnelle ne peut lui être accordée si elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines en application des articles 717-1 et 763-7. Il précise qu'elle ne peut non plus être accordée au condamné qui ne s'engage pas à suivre, après sa libération, le traitement qui lui est proposé en application de l'article 731-1.

Les parlementaires requérants soutiennent qu'en écartant, dans les hypothèses qu'il vise, la possibilité pour le juge de l'application des peines d'accorder une réduction de peine ou une libération conditionnelle, le législateur aurait méconnu le principe de nécessité des peines.

B. - Cette argumentation ne saurait être accueillie.

On doit observer, en premier lieu, que, s'agissant de la réduction de peine, contrairement à ce que soutiennent les auteurs des recours, le refus par une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines ne conduit aucunement à un « non-octroi » automatique. Le législateur a en effet pris soin de préciser qu'aucune réduction de peine n'est accordée, en pareil cas, sauf décision contraire du juge de l'application des peines. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 10 de la loi déférée préservent la marge d'appréciation du juge de l'application des peines et que l'automaticité dénoncée par les parlementaires requérants est absente du mécanisme institué, de sorte qu'en tout état de cause il n'est nullement porté atteinte au principe de nécessité des peines. Le juge de l'application des peines peut, par ailleurs, toujours accorder des réductions supplémentaires de peine pour les raisons énoncées à l'article 721-1 du code de procédure pénale.

S'agissant, en second lieu, des dispositions de l'article 11 de la loi déférée, le législateur s'est borné à prévoir que les personnes condamnées pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru qui refusent pendant leur incarcération de suivre le traitement qui leur est proposé sont réputées ne pas manifester, ce faisant, d'efforts sérieux de réadaptation sociale au sens du premier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale qui prévoit les conditions d'octroi de la libération conditionnelle. En pareil cas, le juge de l'application des peines, qui a proposé un traitement à l'intéressé, s'est vu opposer un refus, de sorte qu'il ne saurait ensuite logiquement accorder le bénéfice d'une libération conditionnelle. Il s'en déduit, d'une part, que le rôle du juge de l'application des peines est conservé et, d'autre part, que le législateur s'est borné à tirer les conséquences du refus du traitement proposé par le condamné. Au demeurant, on doit observer que l'exclusion du bénéfice d'une libération conditionnelle ne dure que le temps du refus de la personne condamnée.

Le législateur a ainsi seulement prévu un régime plus restrictif s'agissant de la libération conditionnelle par rapport à la réduction de peine, compte tenu des effets de la mesure et de la nature des infractions commises, et en cohérence avec l'objectif qu'il poursuit, à savoir renforcer la lutte contre la récidive. L'article 11 de la loi déférée ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme contraire au principe de nécessité des peines.

Il s'ensuit que les dispositions critiquées des articles 10 et 11 de la loi déférée ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle.


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Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les députés et sénateurs requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.